Qu'en est-il des OGM?

Publié le 24 Mars 2007

    A l'heure d'une campagne présidentielle où la thématique écolo a accompli une percée dans le discours des candidats et où la présence du trublion José Bové apporte à la fois franchise et démagogie contestataire, il apparaît opportun de faire le point sur une question aussi cruciale qu'occulte: celle des OGM.

    Beaucoup de choses se disent aujourd'hui sur les OGM, sujet qui intéresse une grande majorité de français alors que, finalement, bien peu sont capables de trier entre le faux et le vrai. José Bové et la Confédération paysanne ont fait beaucoup pour placer ce thème sur le devant de la scène médiatique depuis quelques années. Les lobby agro-alimentaires et le législateur de leur côté semblent agir en quasi-clandestinité, donnant autant de grain à moudre à leurs opposants. Quelle est donc la réalité des OGM aujourd'hui en France?
  Initiative de transparence à souligner, un site intergouvernemental (http://www.ogm.gouv.fr/) a été mis en place pour expliquer la situation des OGM en France. On peut ainsi y lire que "parmi les risques que sont susceptibles de présenter les OGM, figurent notamment des risques pour la santé humaine par toxicité ou allergénicité et des risques pour l'environnement comme la déstabilisation de certains écosystèmes". Comme pour beaucoup d'innovations scientifiques récentes, aucune étude ne dispose de suffisamment de recul pour pouvoir aujourd'hui clamer la nocivité ou non des OGM pour la santé. La question qui se pose est donc ici celle du principe de précaution, inscrit désormais dans la toute neuve Charte de l'Environnement voulue par le Président et collée à la Constitution. A commencer par le premier danger représenté par les OGM pour l'écosystème, celui de la mutation des autres espèces végétales par transgenèse (ou transmission des gènes OGM à des plantes de même variété mais non-OGM). Le risque de réduction de la diversité biologique existe, comme l'explique le site scientifique OGM-info. On y apprend ainsi que ce risque n'existe a priori pas  en France pour les espèces d'origine non européenne. Le maïs étant (pratiquement) la seule plante actuellement cultivée en France dans sa version OGM, seul le maïs serait susceptible de se voir "contaminé" par des gènes de maïs OGM. Ce risque entraînerait néanmoins l'impossibilité de fait de maintenir un étiquetage fiable sur les produits de consommation contenant des OGM: une parcelle non-OGM contenant des pieds contaminés par des gènes OGM ne serait pas étiquetée comme OGM...
    En outre, l'étiquetage obligatoire ne concerne que les plantes et non les animaux ayant consommé ces plantes. Or les aliments de bétail sont largement issus de cultures OGM. Les gardes-fou imposés par Bruxelles se voient ainsi réduits à la portion congrue et deviennent en pratiques inutiles.
    Concernant la législation, l'opacité entretenue par les pouvoirs publics associée à une accumulation de couches juridiques entre la France et l'Europe n'aident pas le citoyen à avoir les idées claires. Il apparaît en tout état de cause, que seul un contrôle est aujourd'hui réglementé, imposant une autorisation spécifique pour toute nouvelle implantation ou commercialisation d'OGM ainsi qu'une traçabilité précise. Nous avons vu combien cette traçabilité était inadaptée et la philosophie libérale qui prévaut à l'Union Européenne comme dans les pays qui la composent semble s'opposer à toute  entrave commerciale.  Il est certain que le lobbying actif des firmes (essentiellement américaines) de l'agroalimentaire OGM à Bruxelles impose une terrible pression aux parlementaires et à la Commission. Le contexte du commerce international, la position de l'OMC et le rapport de force entre les deux rives de l'atlantique sur la question de l'agriculture et de la pénétration de ces deux énormes marchés, transforment ainsi le principe de précaution en un enjeu mineur. Le jugement de l'OMC condamnant le moratoire européen sur la commercialisation des cultures OGM en est l'illustration. Pour rappel, entre 1991 et 1998 dix-huit autorisations de commercialisation de cultures OGM ont été accordées dans l'Union, avant un moratoire de fait (non légiféré) stoppant les nouvelles autorisations. Ce moratoire a pris fin en 2004. L'OMC ne distinguant pas les cultures OGM des cultures classiques, seules les Protocole de Cartagène et Convention d'Aarhus, accords internationaux très généraux, sont reconnus par l'organisation, autorisant une interprétation stricte des accords commerciaux internationaux. Il s'agit ici très clairement de la lutte commerciale engagée entre les deux géants agricoles que sont les Etats-Unis et l'Union Européenne, sur fond d'idéologie économique et de développement du Tiers-monde.
    En France le maïs est pratiquement la seule culture OGM autorisée et exploitée. Il s'agit d'une semence du leader mondial du secteur, l'Américain Monsanto, mis en cause récemment dans un reportage diffusé sur Canal + (reportage qui, par ailleurs, fit l'objet d'une mystification conspirationniste sur le web). L'éthique très particulière de la firme a également été mise à mal par la publication d'une étude scientifique1 ainsi que par des révélations sur une entente qui eut lieu avec le gouvernement britannique dans les années soixante en entraînant une très grave pollution des sols2. Si les surfaces de culture OGM ne représentent aujourd'hui officiellement que moins de 500 hectares3 sur 3 millions d'hectares pour l'ensemble du maïs cultivé en France, ces surfaces sont estimées sur la seule déclaration volontaire. Certaines sources estiment plutôt à 1000 ha les cultures de maïs OGM.
    Alors que la position américaine semble progresser dans la législation de l'Union, la présidentielle française est l'occasion d'un débat sur le sujet. Deux points ressortent des positions des trois principaux candidats. La première est la nécessaire adéquation avec la position de la majorité des français, citée plus haut, à savoir un moratoire sur les nouvelles autorisations. La seconde est une certaine gêne sur le sujet, conscients sans doute d'être, une fois à l'Elysée, pris entre les engagements à l'OMC (présidée par le socialiste Pascal Lamy...), la jurisprudence européenne (pour rappel, la France a entériné il y a quelques temps maintenant la prédominance législative européenne sur la loi française) et le risque de s'interdire l'entrée ultérieure dans un marché qui pourrait devenir stratégique dans les années à venir. Si la pression de l'opinion reste importante et assez tranchée, il est probable que la mise en place d'une politique libérale après les législative conduise à une accélération de la pénétration des OGM dans nos assiettes et nos champs.

1 - "Forts soupçons de toxicité sur un maïs OGM", Le Monde, 14 mars 2007.
2 - "Le gouvernement britannique et Monsanto ont dissimulé la pollution d'une réserve", Le Monde, 12 février 2007.
3 - Source http://www.ogm.gouv.fr



Rédigé par S. Boumaza

Publié dans #Actualité

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