Sarkosy: son bilan, ses idées...

Publié le 1 Mai 2007

Le grand vainqueur du premier tour de la présidentielle 2007 est, nous dit-on, Nicolas Sarkozy, si bien que, selon la quasi-totalité des commentateurs politiques parisiens, le tribun tente depuis lors d'empêcher ses lieutenants de déboucher le champagne avant l'heure. L'élection serait-elle bouclée? Mais alors, qu'en est-il du vote protestataire du référendum européen (considéré unanimement comme un désaveu de la politique intérieure) et le ras de marée rose des dernières Régionales? TOut ce mécontentement serait-il oublié? Champion de l'image et des masques, qui est, qu'a fait Nicolas Sarkozy depuis qu'il est aux responsabilités? Un rappel s'impose. Petit tour d'horizon sélectif et non exhaustif de l'action et des déclarations de Nicolas Sarkozy.


Relations
- Si les relations entre la droite et le CNPF (puis le MEDEF) n'ont pas toujours été aussi étroites, un tournant sensible a été marqué par la présidence de M. Seillères dont les accointances avec le pouvoir en place furent parfois à la limite de la morale publique. Le frère de Nicolas, Guillaume, fut ainsi vice-président du MEDEF de 2000 à 2005.
- Les accusations des adversaires de M. Sarkozy, de collusion avec les grands groupes financiers et médiatiques, méritent d'être précisées. Martin Bouygues et Bernard Arnault (respectivement patron du groupe Bouygues-TF1 et de LVMH, premier groupe de luxe mondial) furent ses témoins à son mariage avec Cecilia. Nicolas Sarkozy est également et notoirement proche d'Arnaud Lagardère (président du premier groupe de médias et d'édition Français, Hachette, par ailleurs diffuseur de l'ensemble de la presse via les NMPP) et de Serge Dassault (fabricant d'armes pour l'Etat et patron de l'ex groupe Hersant, propriétaire du Figaro, de l'Expresse ou du Dauphiné-Libéré notamment). Le candidat UMP n'hésite pas à utiliser directement ses relations pour faire taire les publications qui lui déplaisent (exemple cités par le Canard enchaîné du 22 février ou Libération du 27 mai 2006). Il obtient en outre la tête du directeur de Paris-Match (propriété du groupe Lagardère) suite à la publication d'un article sur Cecilia. Une interview de Yannick Noah dans VSD, annonçant l'exil de l'ancien tennisman si Sarkozy était élu, aurait également été coupée.
Pendant son passage à l'Intérieur, des perquisitions sont menées dans les rédactions de l'Equipe du Point, du Midi Libre et  de Nice matin, évènements symboliques que même Franz-Olivier Giesberg (que l'on peut difficilement taxer de gauchisme) dénoncera. En édition cette fois, le ministre de l'Intérieur convoque M. Barbare, PDG des éditions First, qui devait publier le livre d'une journaliste de Gala sur Cecilia. Le livre sera épuré et paraîtra sous un autre forme un peu plus tard. Ce cercle de relations n'est pas n'importe lequel. Si Arnaud Lagardère a su garder une distance avec ses propres publications, il en est tout autre de M. Dassault qui a maintes fois défrayé la chronique par ses éditoriaux dans le Figaro et son intervention directe dans la politique éditoriale des numéros de ses revues. MM. Dassault, Bouygues et Mougeotte (directeur des programmes de TF1) n'ont jamais caché leurs sympathies pour la droite et leur militantisme actif auprès des dirigeants libéraux1.
- Deux livres de Nicolas Sarkozy ont été préfacés par Gianfranco Finni, leader du parti néo-fasciste italien ("La République, la religion, l'espérance" et "Témoignages").


Respect des institutions
- Nicolas Sarkozy cumule pendant plusieurs mois la présidence de l'UMP, un ministère d'Etat et la présidence de Conseil général des Hauts de Seine, malgré la loi de 2000 (certes fortement atténuée par la majorité RPR au Sénat) et l'interdiction du cumule d'un ministère et de la présidence de l'UMP décrétée par Chirac en 2004. En ne respectant pas une règle valable pour les autres, il remets en cause l'autorité du chef de l'Etat.
- Le futur candidat reste à son poste de ministre de l'Intérieur (ministère organisateur des élections en France) jusqu'au 26 mars, soit a peine un mois avant le premier tour. Si cette configuration n'est pas interdite par la Constitution, elle est néanmoins inédit sous la cinquième République. Toute une série de rumeurs s'étalent dans les journaux sur l'utilisation des moyens de la République pour sa campagne et sur l'utilisation abusive des Renseignement Généraux se font cours (notamment autour de son QG de campagne). Nicolas Sarkozy ne montre pas véritablement de volonté de transparence sur ces points. En outre, de par sa fonction il a accès à toute une série d'études et documents relatifs à la campagne et à l'opinion, instaurant une inéquité de fait entre les candidats.
- En tant que maire de Neuilly et président du Conseil général des Hauts de Seine, Nicolas Sarkozy se soustrait depuis de nombreuses années au respect du 20% de logements sociaux imposé aux communes2. Il est loin d'être le seul élu dans ce cas, mais en tant que candidat à la présidence de la République, cette dérogation à la loi pose question.
- Affaire Crémel: alors ministre de l'Intérieur, M. Sarkozy demande des sanctions contre le juge ayant relaxé le criminel, au mépris de la séparation des pouvoirs. Ceci confirme une habitude prise d'empiéter régulièrement sur les prérogatives du Garde des Sceaux (Dominique Perben puis Pascal Clément), outrepassant ses fonctions. Nicolas Sarkozy se livre plus globalement depuis son premier ministère de l'Intérieur à des volées virulentes contre la magistrature: accusation de "démission" des magistrats du tribunal de Bobigny face à la délinquance (juin 2006), entraînant une rencontre entre Chirac et le premier président de la Cour de Cassation, demande de sanctions disciplinaires renforcées contre les magistrats, sanction contre un magistrat après sa publication de deux tribunes critiques à l'égard de la politique de M. Sarkozy, dans Libération et Le Monde (2 février 2005). Le Conseil constitutionnel, le syndicat de la magistrature et plusieurs très hauts responsables de la Justice française se sont à plusieurs reprises plaint des discours du ministre de l'Intérieur.
- A plusieurs reprises, le ministre de l'Intérieur a présenté le présumé coupable de l'assassinat du préfet Erignac Yvan Colonna comme le responsable, avant tout jugement. Ce dernier a porté plainte contre M. Sarkozy pour atteinte à la présomption d'innocence (sa plainte a été déboutée).
- Le Canard enchaîné révèle (11 avril 2007) que M. Sarkozy aurait proposé une amnistie "rampante" à Jacques Chirac une fois élu, en échange de son soutien publique à la présidentielle. Cela passerait par le vote d'une loi prescrivant les affaires de fraude après dix ans. La loi sur le statut pénal du chef de l'Etat stipule pourtant que la période en fonction fait office de "pause" judiciaire. Les déclarations du président de l'UMP sur le "respect" dû aux anciens présidents laisse cependant planer un doute sur sa position en la matière.


Idéologie et modèles
- L'atlantisme affiché par Nicolas Sarkozy lors de sa fameuse visite aux Etats-Unis en septembre 2006 a beaucoup choqué en France. D'une part par la rupture radicale avec la posture gaulliste que cela implique (pour un candidat se revendiquant du gaullisme), d'autre part car ces positions interviennent alors qu'un clivage accentué est né de l'aventure irakienne et de la déchirure très dommageable qui eut lieu entre les positions de certains pays européens et la France notamment. S'il venait à arriver au pouvoir ce serait sans aucun doute un virage à cent-quatre-vingt degrés pour une politique étrangère française qui a jusqu'ici été l'un des rares domaines à se soustraire aux querelles de partis. Ce serait aussi une mauvaise nouvelle pour l'unité politique très fragiles de l'Union Européenne. Une France, locomotive historique de l'Union, reprenant la posture britannique à l'égard des américains, signifierait la fin du rêve d'Europe politique.
- S'il est délicat d'établir les idéaux politiques profonds de Nicolas Sarkozy, l'on peut toutefois constater les liens réguliers qu'il entretient avec les courants d'extrême-droite. Il n'est pas besoin de prouver dans le texte les reprises du candidat UMP aux programmes du Front National. M. Sarkozy se targue d'avoir récupéré les électeurs frontistes lors du premier tour. Cela n'a pas pu se faire sans une certains "contamination" de son programme. En outre, l'entourage proche de Nicolas Sarkozy comprend notamment Patrick Devedjian et Claude Goasguen, tous deux anciens membres d'"Occident", mouvement d'extrême droite dont nombre de dirigeants actuels du FN sont issus.
- Le Canard enchaîné révèle l'aide apporté par Nicolas Sarkozy à Jean-Marie Le Pen pour l'obtention de ses signatures. Le ministre aurait demandé le report des voix lepénistes au second tour en échange d'une dose de proportionnelle (le Canard enchaîné, 11 avril 2007). Finalement le président frontiste appellera à l'abstention le 1° mai.
- Nicolas Sarkozy a depuis longtemps assumé ses attaques feutrées contre la laïcité à la française. Son argumentaire table sur le besoin d'égalité de traitement entre les fois musulmane et catholique notamment, mais vise néanmoins à remettre à plat certains principes considérés comme fondateurs de notre République. Certains considèrent le statut-quo comme un conservatisme. Il n'en demeure pas moins que remettre en cause des principes fondamentaux sur des sujets aussi sensibles revient à jouer aux apprenti-sorciers. N'oublions pas l'origine de la Loi de 1905, issue d'une longue et douloureuse histoire religieuse de la France. En outre, les récentes déclarations de Sarkozy sur la religion peuvent poser des questions sur sa volonté de maintenir la France hors de la foi privée: "derrière la morale laïque et républicaine française, il y a deux mille ans de chrétienté", explique-t'il au Figaro (mardi 17 avril 2007). "La question de savoir si Dieu doit être dans la Constitution européenne ne se pose plus, conclut-t-il, puisqu'il n'y a pas de Constitution", poursuit'il. La veille, sur TF1,  il proclame son admiration pour Jean-Paul II, au même titre que De Gaulle, comme ses principaux inspirateurs. Rappelons que Sarkozy parle alors en tant que ministre de l'Intérieur et des Cultes. Si l'action politique de l'ancien pape peut l'inspirer, qu'en est-il de ses positions très conservatrices en matière d'Etat-civil, d'homosexualité ou de religion (liens avec l'Opus Dei notamment).
- Alors que la tentative de certains députés UMP de proclamer le caractère positif de la colonisation dans les manuels scolaires a obligé le chef de l'Etat à intervenir pur réaffirmer les valeurs de la France, le candidat UMP reste pourtant dans la même ligne: "Je revendique le droit de dire qu’il n’y a pas eu beaucoup de puissances coloniales dans le monde qui aient tant œuvré pour la civilisation et le développement et si peu pour l’exploitation". (discours de Villebon-sur-Yvette, 20 mars 2007)



Dérapages
- De nombreux témoignages font état de son caractère emporté et de menaces proférées contre des journalistes, la direction de France 33, voir des collègues (témoignage de l'ancien ministre Azouz Begag dans son livre "Un mouton dans la Baignoire"). S'il s'avère difficile de vérifier la véracité de ces témoignages, leur accumulation semble prouver une certaine véracité.
- Le Canard enchaîné (28 février, 7 et 14 mars 2007) a révélé, copies de factures à l'appui, que le couple Sarkozy aurait bénéficié d'un très fort rabais sur l'achat d'un appartement de Neuilly suite à des faveurs fournies au bâtisseur.
- A plusieurs reprises, Nicolas Sarkozy s'en est pris violemment à l'Allemagne lorsque celle-ci a émis des commentaires sur la politique française: "la France n'a jamais exterminé un peuple, la France n'a pas inventé la solution finale" (discours de Caen, 9 mars 2007).


Action ministérielle
- Création du fichier ELOI, fichant toute personne accueillant un sans-papier ou visitant un sans-papier en rétention.
- Extension du fichage ADN (datant à l'origine de 1998 sous le gouvernement socialiste) à tout type de délit (mis en examen, acquitté, relaxés, suspects, mineurs). La loi sur la Sécurité intérieurs de 2003 pénalise le refus de se soumettre à ce prélèvent. De fait, la quasi-totalité de la population est susceptible d'entrer dans ce fichier, ne serait-ce que suite à une infraction automobile.
- Annonce qu'EDF-GDF ne sera pas privatisé (6 avril 2004). La procédure est  pourtant entamée par son successeur à Bercy.

- Suite à une succession de déclarations et le renforcement des méthodes musclées en banlieue, les pires émeutes jamais survenues en France éclatent.
- Manipulation des statistiques: plusieurs associations, syndicats d'organismes statistiques et chercheurs remettent en cause les chiffres de la délinquance et de la criminalité annoncés par le ministère de l'Intérieur.
- Organise systématiquement la chasse aux enfants sans papier. Des lycéens sont expulsés.
-Organise des rafles lors de distributions des Resto du coeur et autres lieux cibles.
- Pendant son passage au ministère de l'Economie Nicolas Sarkozy vends une partie de l'or de la Banque de France.


Citations
- "Il faut agir plus tôt, détecter chez les plus jeunes les problèmes de violence. Dès la maternelle, dès le primaire [...]. (Le Parisien, 2 décembre 2005)
- "J'inclinerais pour ma part à penser qu'on naît pédophile [...]". (Philosophie magazine, mars 2007)
-  "Je veux que ça y ressemble ! ", clame Sarkozy (en comparaison du congrès UMP au sacre de Napoléon). "Que, dans leur inconscient, les Français m'associent à l?Empereur." (Le Canard Enchaîné, 20 octobre 2004)
- "L'idéal serait de tout savoir sur chaque citoyen." (France 3 Ouest, 2005)
- "En échange du soutien de Chirac à sa candidature, Sarkozy s'est engagé, en cas de victoire, à éviter au président sortant tout retour de flamme judiciaire." (Article du Canard Enchaîne, 11 avril 2007)
- "
Je te propose une alliance contre Chirac. On va faire les jeunes et on va le démoder, lui qui est vieux. On va lui faire la guerre et, au bout du compte, on fait une alliance contre Chirac." (François Bayrou citant Nicolas Sarkozy en "off", Sud-Ouest, 16 mars 2007)



    Si la grande majorité de ces informations ont été vérifiées et recoupées par différents journaux, certaines preuves formelles manquent toutefois. En se basant sur les faits avérés, l'on peut cependant se demander à qui profite le crime. En matière de presse, souvent à Nicolas Sarkozy. Que tout soit affaire de hasard et de manipulation de la gauche semble difficilement envisageable.

  L'ensemble des faits apporte une ombre inquiétante sur les valeurs démocratiques du candidat UMP. Quelles que soient les opinions politiques et orientations économiques, les flottements de Nicolas Sarkozy sur des points aussi essentiels que la laïcité, l'indépendance de la Justice, celle de la presse, et le respect des instituions, posent de sérieuses questions sur le choix de notre futur président.


1 Sur ces points le livre "Les nouveaux chiens de garde" de Serge Halimi (Raison d'agir, 1997) et le film de Pierres Carles"Pas vu, pas pris" (1998) sont depuis longtemps des références.
2 Loi Solidarité et renouvellement urbain de 2000
3Le Canard Enchaîné, 21 mars 2007

Rédigé par S. Boumaza

Publié dans #Politique

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N
hell oh! L'abbé,<br /> On se fait un ptit jdr sur comment vivre en france sous un régime dictatorial avec un président qui s'est fait voté les plein pouvoir suite à une insurection?<br /> Ca devrait faire recette.... ;)
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